Cette percée d'Ubuntu sur le marché bien chargé des distributions linux s'explique par plusieurs facteurs, certains non spécifiques a Ubuntu, mais dont la combinaison a ete decisive.
- Démarrage sur une base robuste
Comme remarque precedemment sur ce journal, Ubuntu a beaucoup emprunté a Debian: developpeurs, systeme de packaging, wiki, philosophie du libre. Ce fait est largement connu et partagé par ailleurs avec Linspire et Mepis. La où Ubuntu a innové c'est en se présentant comme une continuation de Debian plutôt qu'un fork, et en faisant de leur contribution a Debian un argument de marketing ( sans intention péjorative dans le terme) - Expédition de CD ubuntu dans le monde entier à titre gracieux
Je peux dire que quand on reçoit ses deux CD ubuntu dans une belle jaquette marron, expliquant ce qu'est le logiciel libre, que le contenu du CD est librement expiable, on n'a qu'une envie c'est de l'installer et de le passer autour de soi. Dans un monde de l'immatériel comme celui du logiciel libre, l'arrivée dans le réel d'un objet de logiciel libre avec un superbe packaging et idéologie humaniste est quelque chose d'assez rare. Combien de CD ont été envoyés par Canonical ? Dans ce thread un employé de Canonical annonce le chiffre de 500 000 CD fin 2004. - des nouvelles releases tous les 6 mois
La recommandation "release early, release often" d'Eric Raymond est appliquée a la lettre par Ubuntu qui de surcroît gate ses utilisateurs avec des versions alpha dans l'intervalle des releases principales. Plusieurs autres projets comme Gnome et OpenBSD fonctionnent aussi suivant ce modèle depuis plusieurs années. Personnellement, je préféré les projets qui font des releases moins fréquentes axée sur la stabilité, mais il semble que la majorité des utilisateurs préfèrent avoir les dernières fonctionnalités a tout prix. Un autre avantage méconnu de ce mode de développement est tout simplement ... la publicité. En effet tous les 6 mois, sites d'informations, blogs, et chats vont parler de la nouvelle release et finalement entretenir un buzz quasiment permanent autour de la distribution. Si une nouvelle release survient tout les deux ans, voire tous les trois ans, il est évident que vous aurez comme publicité les utilisateurs mécontents de l'attente. La version release d'Ubuntu est justement survenue en Octobre 2004 quand l'attente de la nouvelle version officielle de Debian ( 3.1 dite Sarge ) se faisait sentir. - le produit d'une entreprise
Même si les utilisateurs d'Ubuntu jouent un rôle important dans le packaging et la promotion d'Ubuntu, une équipe de développeurs payés permet de faire des choses qui rebutent des volontaires, comme s'engager a travailler sur des délais précis. Historiquement il semble que dans le logiciel libre, le développement d'interfaces graphiques ( et le desktop a été le fer de lance d'Ubuntu ) ait été traditionnellement pris en compte dans les versions "pros" développées par des programmeurs rémunérés , comme le montre le cas de Xen, MySQL. Les développeurs Ubuntu ont ainsi développe gnome-app-install un front-end graphique a apt-get très simple d'emploi. - la prise en compte du phénomène communautaire des le debut
Il fut un temps ou le topic du channel IRC #debian-fr sur freenode affichait lors de la connection:
#debian-fr :Ce chan n'est pas un channel de support, ni d'entraide, ni rien, foutez le camp ||
Si t'as besoin d'aide, c'est #debian-fr@oftc ou #debianfr ou #gcu||
Merci de vous taire, vous ne servez à rien, alors fermez-là.||
Ces propos ne doivent pas être pris pour insulte, on vous aime. sauf toi.
Comme il l'explique sur la page du wiki Debian consacrée a Ubuntu, Benjamin "Mako" Hill a été embauche par Mark Shuttleworth spécifiquement pour organiser la communauté des utilisateurs et des développeurs, et donc prendre en charge les problèmes que peuvent susciter un topic de chat comme celui-ci. Venant de Debian où les "flame wars" sont fréquentes sur les listes de discussion, Mako a tout d'abord créé le Code de conduite Ubuntu pour la communication interne. Ce code de conduite reconnaît que les désaccords dans la communauté Ubuntu sont inévitables, mais essaye d'empêcher que ceux-ci deviennent des conflits majeurs.
Ubuntu a aussi pris en charge lui meme la création de communautés locales d'utilisateurs, les LoCo teams via un Howto et un processus de validation qui les rend officielle vis a vis du reste du projet. Ces deux initiatives permettent rapidement au non-développeur de se sentir partie prenante du projet, sans savoir coder, et aussi de garder le controle sur les groupes officiels d'utilisateurs. Enfin Mako a mis en place les syndications de blogs pour Debian et Ubuntu qui sont devenus maintenant un des canaux de conversations courant des developpeurs.
Ubuntu a finalement réussi là où Mandriva en France a globalement échoué, sur le terrain du user-friendly et de la communauté. Ubuntu cherche maintenant a étendre son développement dans le monde du serveur et de l'embarqué, usant en cela d'une stratégie faisant pensant a celle d'Opera. Opera propose gratuitement la version desktop de son navigateur web, et tire ses revenus de ses partenariats dans l'informatique embarquée. Reste a voir si ce mode de développement pourra fonctionner dans le cadre du logiciel libre.